Publié le 02/05/2012
Hier matin pendant deux heures, le cortège de la CGT a fait le tour du quartier de la Bourgogne à Tourcoing.
Hier matin, à l’appel des unions locales CGT de Tourcoing et de Roubaix, près de 400 personnes ont manifesté dans les rues de la Bourgogne à Tourcoing. Une première dans ce quartier populaire. Avec derrière le symbole un discours politisé et un appel à aller au-delà du 6 mai.
JEAN-FRANÇOIS REBISCHUNG > jf.rebischung@nordeclair.fr
«Les vrais emmerdeurs sont là ! » Il est 9 h 30 sur le parvis de la station de métro Pont-de-Neuville à Tourcoing quand les premiers manifestants arrivent. Le ton est donné avec cette boutade lancée par un syndicaliste qui a déjà plusieurs manifestations sous les semelles. Quelques minutes plus tard, il retrouve des Belges. « On est venu voir les vrais travailleurs » , plaisante Lionel Cattaux. Ce vieux routard de la FGTB (la Fédération Générale du Travail de Belgique) suit le débat politique français. Ca le « désole ». Mais il explique aussi : « On vient par solidarité avec les travailleurs de France comme eux viennent parfois chez nous… L’Europe doit aussi se créer par la base et pour la base. » Le Belge est apostrophé par un autre camarade français.
Ambiance retrouvailles…
Un peu plus loin, une dame seule attend le départ du cortège. Elle ne veut pas dire son nom. C’est son premier défilé. Syndiquée depuis seulement « deux ans », elle est venue « voir ce que ça donne ». Mais surtout, « manifester mon ras-le-bol contre la politique de Sarkozy ». Il faut être sourd pour ne pas entendre le président-candidat se faire vilipender. « Aujourd’hui on fait du syndicalisme. Mais ce n’est pas incompatible », dit un autre manifestant. Contexte oblige, le défilé sera très politisé. À plusieurs reprises pendant la manifestation, les militants ont exprimé leur envie de « dégager Sarko ! ». Et ils se livrent facilement.
Une manifestation
de ras-le-bol aussi
Beaucoup avouent avoir voté Mélenchon au premier tour et préviennent qu’ils voteront Hollande sans détour au second. Même si le candidat socialiste est loin de faire rêver tous les militants. « On va dire vote utile, répond Fouad, venu avec son fils, comme toujours. C’est la fête des travailleurs et aussi une manif de ras-le-bol contre le système. Encore une ! Et contre l’incompétence de son dirigeant qui oublie qu’il a été élu par le peuple ». Dans les rangs du cortège qui se forme pour bientôt s’ébranler, aucun pour avouer qu’il a voté Sarkozy en 2007, « même si on sait que ça existe, comme ceux qui ont déjà voté Le Pen », reconnaît un cégétiste roubaisien qui n’est pas tendre avec ses camarades électeurs du FN.
Le cortège s’ébranle avec en tête le comité des sans-papiers CSP59. Quelques élus en font partie. L’ancien maire socialiste Jean-Pierre Balduyck est là avec l’adjoint Alain Mezrag. Le vert Bernard Despierre est passé saluer les militants avant d’aller distribuer des tracts à Neuville. Mais ceux qui sont venus le plus en force, ce sont bien sûr les militants du Front de Gauche. « C’est un beau rassemblement », sourit l’élue tourquennoise Dominique De Clercq-Danel. « C’est pas la fête de la préférence nationale ici. C’est la fête de tous les travailleurs ! » Et puis, il y a le symbole. Le cortège arrive au coeur du quartier de la Bourgogne. Un quartier populaire qui, à l’exception de quelques menaces de fermetures de classes et de celle de sa piscine dans les années 80, n’avait jamais connu une telle manifestation. Certains habitants sont surpris, d’autres applaudissent. L’accueil est sympathique. Des tracts sont distribués. « On est tous des travailleurs potentiels, il ne faut rien lâcher », insiste Lionel, cégétiste roubaisien. Forcément, ici, le taux de chômage est toujours à deux chiffres. Ce qui provoque d’ailleurs des réactions mitigées. « Ça ne changera pas notre avenir », expliquent deux jeunes. Plus loin, deux vieux pensent le contraire : « C’est pour eux qu’ils viennent, c’est bien ! » Le cortège s’arrête sur la place du quartier.
Secrétaire de la section de Tourcoing, Samuel Meegens harangue la foule. « Nous avons les mêmes intérêts », dit-il. Et surtout, il poursuit : « Suffira pas de dégager Sarko… Nous devons reconstruire un grand mouvement de résistance et de combat… La rue est à vous… Rien n’est à eux… » Le cortège s’ébranle à nouveau. Au final, les manifestants auront fait le tour du quartier pendant près de deux heures. Bien plus qu’un symbole. Secrétaire de l’union locale de Roubaix, Abdelkrim Abdesselam sourit. L’an prochain, c’est à lui d’organiser la manifestation. Le contexte sera différent. Les militants retourneront-ils dans un quartier populaire ou reprendront-ils les grands axes ? Abdelkrim Abdesselam l’ignore encore. En revanche, « les ouvriers on sait où ils sont et l’injustice sociale aussi ».